Rédigé par : Faiza Souid, Docteure en Sciences de la Terre
La carence en eau potable est un ennui qui entrave l’existence de l’homme sur terre. Davantage, l’inégale répartition de l’eau douce induit, pour la population, un inéquitable accès à ce don naturel.
La Tunisie est classée parmi les pays les plus pauvres en eau. Elle souffre d’une insuffisance en eau, de plus les ressources en eau dans ce pays sont caractérisées par une variabilité spatio-temporelle éminente. Pour notre cas, l’île de Djerba localisée au Sud-Est tunisien, est un témoin très exemplaire pour apprécier une sorte de « pénurie annoncée » des ressources en eau en Tunisie.
Djerba est une île située au Sud-Est de la Tunisie dans le golf de Gabès à 50 km nord de la ville de Medenine entre les péninsules de « Jorf » et de « Zarzis ». Il s’agit de la plus grande île de l’Afrique du Nord. La superficie de cette île est de 514 km² et 125 km de côtes sableuses. Le nombre d’habitant sur l’île est estimé à 178872 habitants. La situation géographique de l’île la rend soumise à l’incidence de deux climats, l’un méditerranéen humide et l’autre saharien semi-aride, ce qui donne un climat méditerranéen, sec et chaud en été, tempéré et humide en hiver.
La topographie de l’île est plane caractérisée par un relief tabulaire. L’histoire géologique de l’île est assez récente, les sédiments les plus anciens datent de la deuxième moitié de l’ère Tertiaire. Les événements géologiques marquants qui ont touché la topographie et la morphologie côtière de l’île ont eu lieu durant le Quaternaire. L’ossature géologique de l’île est faite, essentiellement, par les argiles Mio-Pliocènes. En se référant aux études géologiques antérieures, on constate que les sédiments les plus abondants sur l’île sont les sédiments quaternaires, datant du Pléistocène moyen à l’Holocène. Ces sédiments sont formés par deux types de faciès : un faciès continental qui drape les parties centrales de l’île et un autre marin qui se localise sur la frange littorale.
Le potentiel hydrique de cette région est modeste. L’île a un régime pluvial variable et irrégulier. La précipitation moyenne annuelle est de l’ordre de 200 mm. A signaler que Djerba ne dispose d’aucun réseau hydrographique (cours d’eau, lac, rivière…).
Le sous-sol de l’île abrite deux aquifères: la nappe phréatique attribuée au Mio-Plio-Quaternaire et celle profonde attribuée au Mio-Pliocène. La nappe phréatique représente 7% des ressources en eau sur l’île. La profondeur moyenne de cet aquifère est de l’ordre de 30 m. Les ressources disponibles sont estimées à environ 3,47 Mm3. Avec une exploitation de 3,61 Mm3. Le bilan ressources/exploitation de la nappe est déficitaire. La salure de l’eau est estimée à 0,5 g/l au centre de l’île, en particulier dans les régions de Mahboubine et Guecheine. Elle devient plus saline sur les zones côtières où elle dépasse les 15 g/l. Cette nappe est actuellement surexploitée et les risques d’intrusion marine et de la pollution sont très importants.
Quant à la nappe profonde, elle constitue une partie de la nappe de Djeffara qui s’étend entre la Skhira au Nord et la frontière Tuniso-libyenne au Sud-Est, elle présente 48% des ressources en eau sur l’île. Les ressources en eaux souterraines de cette nappe sont estimées à environ 22,08 Mm3. Elle est exploitée, par la station de dessalement des eaux saumâtres, à partir des forages de 250 m à 350 m de profondeur. La salinité de l’eau y varie entre 5,5 et 6,5 g/l. Pour l’approvisionnement en eau potable, la population djerbienne exploite les citernes (communément appelées Fsegui) qui sont des ouvrages munis d’un impluvium pour la collecte des eaux pluviales et un réservoir parfaitement enterré qui protègent les réserves d’eau collectées à l’abri de l’évaporation et permettent à la population de disposer de l’eau potable durant toutes les saisons de l’année.
Dans certaines parties de l’île, les eaux souterraines de la nappe phréatique sont exploitées par des puits traditionnels. Ce sont des ouvrages caractérisés par une architecture typique encore préservée sur l’île. L’inventaire des points d’eau a mis en évidence la présence de 2321 puits de surface. L’activité anthropique constitue l’une des menaces affectant la nappe phréatique de Djerba. Les fosses septiques non aménagées et les puits « poubelles » sont à l’origine de la contamination des eaux de la nappe par infiltration des eaux riches en polluants. Le contact direct de certains puits poubelles avec la nappe favorise énormément les processus de transfert des contaminants vers les eaux souterraines.
Le génie architectural djerbien a donné une grande importance à la Fesguia et au puits traditionnel, d’ailleurs, ces ouvrages hydrauliques sont des composantes de base dans l’architecture du Menzel djerbien.
Djerba est une région à ressources en eau très insuffisantes pour répondre aux besoins croissants des habitants et du secteur touristique en plein développement. En quête de sources d’eau alternatives, l’Etat a intensifié son recours aux technologies et a implanté deux stations de dessalement: la station de dessalement des eaux saumâtres de la nappe Mio-Pliocène à Guallela et la station de dessalement d’eau de mer à Mezreya.
La station de dessalement des eaux saumâtres, de capacité actuelle 20000 m3/j, a été mise en service en janvier 2000 dans le but de renforcer les ressources en eau et d’améliorer la qualité de l’eau potable distribuée, par la SONEDE, dans l’île de Djerba. Pour la station de dessalement des eaux de mer, qui est entrée en fonction mai 2018, c’est une station qui permet une production journalière de l’ordre de 50000 m3/j. La technique de dessalement mise en place, pour les deux stations, est celle de l’osmose inverse. Les eaux osmosées produites par les stations sont mélangées avec les eaux de mélange venant de Médenine (les eaux de la nappe Zeus-Koutine).
La mise en service de ces stations, n’a pas permis de pallier au problème d’approvisionnement en eau sur l’île de Djerba surtout durant la saison estivale. La situation très critique des ressources en eau, l’évolution de la demande et le progrès touristique sur l’île de Djerba lui expose à une pénurie chronique d’eau.